Aujourd'hui, j'ai envie de vous faire partager un passage d'un de mes auteurs préférés Fréderic DARD; j'eusse aimé écrire comme lui si j'avais une once de talent. Je suis en train de relire un San Antonio dont le titre est "la sexualité"; le passage que je vous propose parle du temps et des rencontres de la vie, vous le livre tel quel :

Le temps m'est venu d'avoir le temps. J'ai trop tellement fait la fine bouche avec lui! Trop minaudé, trop...temporisé. Il m'intimidait, le monstre, me blasait. Quel bout l'attraper? Comment laisser couler la rampe sous sa main sans se bruler la paume? Je le gaspillais de ne pas croire en lui, de mal oser le toucher. Soyez timide avec le temps et vous êtes foutus, roulés comme caillasse de torrent en crue. Il vous domine, vous malaxe dans son grand mépris. Je n'avais plus la force de réagir. C'était une vilaine noyade miséreuse, un bafouement de toute minute. Je sentais ma vie mal emmanchée dans la société. Je galopais à contre-voie. Ah, mes pauvres foutaises à jamais foutues! Le moment est venu de me filtrer la fumée pour en prélever les escarbilles. Ne restera plus alors de mon passé que la dérisoire poussière d'une urne funéraire. Cendre à disperser dans les eaux merdeuses du Gange ou à pomper de votre aspirateur! La vie est un entrelacs de rencontres. Des gens qui viennent et repartent de vous. Ainsi font font font les petites marionnettes : trois petits tours de con et puis s'en revont. Ceux qu'on aime plus sournoisement que les autres, catimineurs vicieux! Le temps (toujours) de vous aguicher l'âme, de se faire une place en vous, de vous devenir commode, qu'on les situe indispensables et voilà qu'il faut s'en dispenser. Ils vous meurent devant ou bien s'en vont se replanter ailleurs, dans d'autres terres ou d'autres culs. On arrive à un âge ou elles vous ballonnent, ces fréquentations. Te vous gargouillent bide et cerveau, vous criblent de cicatricesqui n'ont plus le loisir de guérir. Le passé tourne à l'état gazeux, comme les sels digestifs dans la flotte. Les peu bandeurs le rotent en douce, dans leur mouchoir; mais des certains, dont je suis, le mugissent à grand spasmes désordonnés. Ce sont les lions du souvenir. La mémoire est une maladie purulente dont on ne se soulage qu'en l'incisant.

Chapeau bas Sana!